Canada: des femmes pourront voter voilées malgré l'appel du Premier ministre
AFP - il y a 13 minutesOTTAWA (AFP) - Les autorités électorales canadiennes ont maintenu lundi leur décision controversée permettant à des femmes voilées de voter le visage couvert, en dépit d'appels de la classe politique et du Premier ministre les appelant à faire marche arrière.
Le directeur général des élections, Marc Mayrand, a défendu sa position face à une vague de critiques, faisant valoir que rien dans la loi électorale n'imposait aux femmes musulmanes portant un voile intégral de se dévoiler.
Il a indiqué avoir demandé au personnel électoral d'inviter toute personne dont on ne peut pas voir le visage à se dévoiler, tout en respectant ses croyances religieuses. Mais, a-t-il ajouté: "Je n'ai pas modifié la loi pour exiger qu'elle se dévoile".
La controverse fait suite à une annonce, la semaine dernière, d'Elections Canada, organisme indépendant relevant du Parlement. Celui-ci avait précisé les conditions de vote des femmes voilées, à la suite de l'adoption d'une nouvelle loi électorale, dans la perspective d'élections fédérales partielles la semaine prochaine au Québec.
L'organisme avait indiqué que des femmes pourraient voter à visage couvert à la condition de présenter deux pièces d'identité officielles ou en prêtant serment et en étant accompagnées "d'un autre électeur" agissant à titre de répondant devant lui aussi prêter serment.
Son annonce a provoqué un véritable tollé, en particulier au Québec, et amené les principaux partis politiques ainsi que le gouvernement à demander aux autorités électorales de revenir sur leur position.
Le Premier ministre conservateur, Stephen Harper, est lui même intervenu, d'Australie où il assistait au sommet de l'Apec, exprimant "son profond désaccord", et accusant Elections Canada de ne pas respecter la nouvelle loi, qui vise à renforcer les exigences en matière d'identification des électeurs.
Le directeur des élections a lui rétorqué lundi qu'il respectait la loi, celle-ci prévoyant différentes façons de voter "dont plusieurs ne requièrent pas d'identification visuelle de l'électeur".
Il a étayé sa démonstration en notant que quelque 80.000 personnes avaient voté par correspondance aux dernières élections, sans identification visuelle.
Et il a renvoyé la balle aux parlementaires soulignant que c'est à eux qu'il appartenait de modifier la loi s'ils le souhaitaient. "J'estime qu'il ne revient pas à l'administrateur du système électoral de trancher un débat de société qui fait rage", a-t-il dit.
M. Mayrand a en outre indiqué qu'il avait prévenu les partis politiques de ses intentions.
Il a aussi affirmé n'avoir reçu "aucune demande de traitement spécial" de la part d'électeurs ou d'organisations musulmanes. "Selon mes informations, il n'y aurait que quelques centaines de femmes voilées au Canada et la plupart accepteraient de se dévoiler dans un contexte approprié", a-t-il dit.
Le Bloc Québécois (indépendantiste) a pour sa part annoncé lundi qu'il allait déposer un projet de loi visant à garantir "que toutes les électrices et tous les électeurs voteront à visage découvert lors des prochains scrutins fédéraux".
Une controverse similaire avait eu lieu au printemps au Québec, où fait rage depuis plusieurs mois un débat sur l'intégration des immigrés.
Le responsable des élections au Québec avait dans un premier temps autorisé les femmes musulmanes à voter le visage couvert si elles le désiraient, avant de faire marche arrière quelques jours avant le scrutin provincial du 26 mars.