TOKYO (AFP) - Le conservateur modéré Yasuo Fukuda a été officiellement adoubé dimanche à Tokyo pour succéder au Premier ministre démissionnaire Shinzo Abe et sortir la droite japonaise de la grave crise qui menace sa mainmise sur le pouvoir.
Le Parti libéral-démocrate (PLD), qui règne sur le Japon depuis un demi-siècle, a élu M. Fukuda à sa présidence, comme prévu avec une confortable majorité, à la place de M. Abe.
Ce hiérarque discret et expérimenté a obtenu plus de 60% des votes des parlementaires et des délégués régionaux du PLD contre son seul adversaire, le nationaliste Taro Aso.
Assuré d'une invincible majorité à la Chambre des députés, il sera intronisé Premier ministre mardi par la Diète, plus de 30 ans après son père Takeo Fukuda, et devrait former son gouvernement peu après.
C'est la première fois dans l'histoire du Japon qu'un père et son fils sont Premiers ministres.
A 71 ans, M. Fukuda est le chef de gouvernement le plus âgé depuis 1991. Il remplace le plus jeune de l'après-guerre - M. Abe a 53 ans.
Sitôt élu, il a promis de "faire de (son) mieux pour ressusciter le PLD afin qi'il retrouve la confiance des Japonais".
Mais la tâche est difficile: majoritaire au Sénat, l'opposition de centre-gauche a l'intention d'utiliser sa capacité de blocage pour forcer des élections législatives anticipées.
Son chef, Ichiro Ozawa, habile stratège, est déterminé à y parvenir en empêchant la reconduction de la mission navale japonaise de soutien à la coalition internationale en Afghanistan, au grand dam de Washington.
Le Parti démocrate du Japon (PDJ) de M. Ozawa a réclamé à nouveau la dissolution de la Diète et des élections "aussitôt que possible".
Usant d'un ton conciliant, M. Fukuda s'est engagé à dialoguer avec le PDJ, afin d'obtenir son appui notamment pour la mission d'Afghanistan.
"Le Japon traverse actuellement une période très difficile, non seulement sur la question de la loi antiterroriste (qui encadre la mission afghane, ndlr) mais aussi en ce qui concerne les problèmes des retraites et de la sécurité sociale", a plaidé M. Fukuda.
"En de telles circonstances, il est essentiel de discuter avec l'opposition", a-t-il reconnu.
Pour le PLD, il est urgent de sortir de la tourmente déclenchée par la bérézina des élections sénatoriales, fin juillet, et la soudaine démission de Shinzo Abe le 12 septembre.
Après le désastreux mandat de M. Abe, miné par des scandales et des bévues à répétition, la droite japonaise, meurtrie, a besoin de retrouver le calme et espère l'avoir trouvé en la personne du suave Yasuo Fukuda.
Ce dernier a battu le record de durée au poste très exposé de porte-parole du gouvernement (1.289 jours) de 2000 à 2004. On le dit "expert en dénouement des conflits".
Eminence grise de l'ex-Premier ministre Junichiro Koizumi (2001-2006), c'est un "homme de l'ombre", pondéré et consensuel, attaché à l'alliance avec les Etats-Unis mais soucieux aussi des intérêts du Japon en Asie.
Il souhaite resserrer les liens avec la Chine, répétant qu'il ne se rendra pas au sanctuaire shintoïste du Yasukuni à Tokyo, haut lieu spirituel du nationalisme nippon.
Les visites du populiste Koizumi au Yasukuni avaient été en partie à l'origine d'une grave crise diplomatique entre Pékin et Tokyo en 2005-2006.
M. Fukuda a aussi laissé entendre qu'il privilégierait la carotte au bâton dans le dialogue complètement bloqué avec la Corée du Nord. Il ne paraît pas pressé de réformer la Constitution pacifiste, contrairement à M. Abe.
Au plan intérieur, il a promis de tout faire pour améliorer le lot quotidien des Japonais, en s'attaquant aux disparités sociales attribuées aux réformes libérales de M. Koizumi.
Quant à Shinzo Abe, hospitalisé pour stress, il a publié dimanche un message dans lequel il regrette d'avoir "créé un vide politique à un moment si crucial". Il devrait tenir une conférence de presse lundi.