L'interdiction de fumer sur les lieux de travail n'a donné lieu à aucun conflit majeur un peu plus d'une semaine après son entrée en vigueur, selon des témoignages recueillis par les bureaux régionaux de l'AFP.
Etonnamment, le seul endroit répertorié par l'AFP où la nouvelle réglementation est superbement ignorée est le tribunal de grande instance de Bobigny. Sous la vaste verrière, les cendriers n'ont pas été retirés et le sol est toujours jonché de mégots.
Seul le bureau des avocats, connu pour ses nuages de fumée, est passé non-fumeur. "Ici c'est devenu le paradis, au moins quand on rentre chez soi on ne sent pas la clope", témoigne Me Clarys Carounanidy. Une autre avocate note, elle: "c'est surtout devenu moins convivial".
Partout ailleurs, l'interdiction a été mise en oeuvre. "Il n'y a pas eu de conflits majeurs, c'est encore trop tôt. Les contrôles effectués par l'inspection du travail se sont bien passés", constate Sophie Potier, avocate lilloise spécialisée dans le conseil et le contentieux d'entreprise.
"Pour l'instant", observe-t-elle, "les contrôleurs ne font que donner des avertissements, remontent les bretelles, mais ils préviennent aussi que quand ils reviendront la prochaine fois, dans un ou deux mois, ce sera différent".
Cette tonalité d'attentisme semble assez générale, attestée par les syndicats comme dans l'Ouest ou la région bordelaise.
Il n'y a "pas de cas concret de répression mais on sent un débat qui émerge, avec des craintes des entreprises sur la productivité des salariés qui sortent fumer", rapporte Didier Potier, de la CFDT à Caen.
Le conseil général de Seine-et-Marne, dans une note du 25 janvier, avait ainsi "interdit" à ses agents de sortir "fumer pendant le temps de travail". Devant les protestations, il a toutefois fait rapidement machine arrière, affirmant n'avoir "jamais eu l'intention d'engager des sanctions" contre les fumeurs.
Chez PSA à Rennes des cendriers ont été installés à l'extérieur de chaque atelier.
Céline Médard, attachée de presse, reconnaît qu'en 11 minutes maximum de pause, les fumeurs n'ont pas le temps de s'en griller une à l'extérieur mais "la loi est une incitation à arrêter", souligne-t-elle, précisant que la direction "participe" aux frais d'achat de patch, sur présentation du ticket d'achat, à hauteur de 25 euros.
Selon Michel Bourdon de la CGT (PSA Rennes), "ça se passe pas trop mal". "Seuls ceux qui travaillent dans les bureaux où près de la sortie dans un atelier sortent pour fumer. Pour les autres, côté cigarette, ils prennent sur eux", relate-t-il.
Le temps manque aussi à la majorité des salariés de la société de cosmétique et pharmaceutique SPPH basée à Quetigny (Côte d'Or) qui sont en "zone pharmaceutique à atmosphère contrôlée". Ceux qui désirent fumer doivent, pour sortir de l'entreprise, "ôter leur combinaison, se rhabiller, franchir deux sas de sortie puis débadger, et idem au retour", explique Luc Follet, délégué CTFC et secrétaire du CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité, et des conditions de travail)). Sachant que les employés n'ont qu'une pause déjeuner d'une demi-heure dans la journée, "certains accrocs au tabac se privent de déjeuner pour sortir fumer car la manip' prend bien 30 minutes".
Les premiers PV, toutefois, sont tombés. A Bordeaux, deux personnes surprises à fumer la semaine dernière dans un centre commercial du centre-ville ont écopé d'une amende de 68 euros tarif pour les contrevenants prévu dans le nouveau décret.