Partagés entre indignation et curiosité, les Norvégiens sont pendus aux révélations d'un journaliste de la presse à sensation qui affirme n'avoir reculé devant rien pour espionner sur ordre de sa rédaction la famille royale.
L'hebdomadaire Se og Hoer (Voir et Entendre) aurait offert des pots de vin à des policiers, acheté des équipements à la James Bond, obtenu des reçus de cartes bancaires... tout cela pour tenter de découvrir des détails croustillants sur une famille royale populaire et plutôt sage.
Depuis une semaine, l'affaire fait la Une de toute la presse norvégienne. Le pavé dans la mare a été lancé par un ancien journaliste du tabloïd, Haavard Melnaes, qui a raconté dans un livre ces méthodes.
"C'est vraiment un grand scandale", a dit le spécialiste des médias Andreas Wiese au quotidien Dagbladet.
Selon Melnaes, le magazine Se og Hoer avait offert de l'argent à des policiers pour savoir si la princesse Mette-Marit, épouse du futur roi le prince Haakon, avait un passé criminel.
La princesse Mette-Marit, 33 ans, une roturière et mère célibataire qui a reconnu avoir fait les 400 coups avant d'épouser le prince en 2001, semble avoir été la proie de choix du journal en raison de son passé.
Le magazine avait aussi lancé ses limiers sur les amis de la princesse, sa famille et ses anciens petits-amis, selon le journaliste.
"Se og Hoer a des sources partout et particulièrement dans la police. Si ils veulent le cassier judiciaire de quelqu'un, ils peuvent l'obtenir", a dit Melnaes à l'AFP.
Le reporter a affirmé qu'il avait été envoyé à Londres pour acheter du matériel d'espionnage, notamment un micro directionnel qui permet d'écouter des conversations de loin.
Selon ce dernier, le journal lui a demandé en 2001 d'arracher des informations à un ancien compagnon de Mette-Marit dénommé Ricky qui se droguait à l'époque. Il l'a payé 1,000 couronnes norvégiennes (123 euros) de l'heure pour qu'il parle de son ancienne petite-amie.
Dans cette affaire, le magazine de la presse people se retrouve l'arroseur arrosé. Le quotidien financier Dagens Naeringsliv qui a enquêté sur ses méthodes a affirmé lundi que l'hebdomadaire avait obtenu des informations sur les relevés des cartes de crédit de la princesse Mette-Marit et de la fille du roi Harald la princesse Märtha Louise.
A l'aide de ces renseignements, Se og Hoer avait notamment publié un article en 2001 sur les achats de Mette-Marit en titrant : "Elle dépense 300.000 couronnes en habit", soit environ 37,000 euros.
Les Norvégiens et en premier lieu la famille royale ont été choqués par ces méthodes journalistiques.
"Je pense que c'est vraiment effrayant. On ne peut pas se sentir en sécurité, y compris chez soi", a déclaré la soeur du roi, la princesse Astrid, à la télévision norvégienne NRK.
Le mari de la princesse Märtha Louise, Ari Behn, a commenté mercredi qu'il soupçonnait depuis longtemps que les transactions bancaires du couple étaient vendues à la presse.
"C'est quelque chose que nous devons supporter depuis des années. C'est pourquoi pendant notre lune de miel nous avions une valise pleine de billets et que nous avons payé nos billets d'avion en espèces", a-t-il déclaré au quotidien Dagbladet.
Le président de l'association de la presse norvégienne, Per Edgar Kokkvold, a qualifié d'inacceptables les méthodes présumées du magazine.
Contacté par l'AFP, Se og Hoer a refusé de commenter cette affaire.
Pour sa part, le ministre norvégien de la justice Knut Storberget a dit souhaiter ajouter un amendement à un prochain projet de loi sur les médias, amendement qui permettrait de condamner des organes de presse qui obtiennent des informations par des moyens illégaux.
La police a ouvert une enquête, notamment pour savoir si certains de ses membres ont touché des pots de vin.