Vols de la CIA : des membres de l'UE mis en cause

STRASBOURG (Parlement européen), 14 fév 2007 (AFP) - Le Commissaire européen à la Justice, Franco Frattini, a appelé mercredi les gouvernements des 27 à conduire, après celle du Parlement européen, leurs propres enquêtes sur les activités de la CIA en Europe et à procéder à d'éventuelles sanctions.

Remerciant les eurodéputés, qui doivent adopter mercredi le rapport final de leur commission d'enquête temporaire, d'avoir fourni "des éléments de faits utiles pour permettre la poursuite des enquêtes au niveau national", M. Frattini a estimé "indispensable" qu'elles soient désormais menées là où cela n'a pas encore été le cas.

"Il appartient aux gouvernements de révéler la vérité, même si cette vérité dérange", a-t-il souligné, estimant qu'il y a "certainement eu des responsables".

"Il appartient aux magistrats et aux gouvernements de mener des enquêtes administratives et de sanctionner les fonctionnaires qui n'auraient pas été loyaux" envers leurs institutions en commettant "des violations des droits fondamentaux sous couvert de secret", a-t-il ajouté.

Si ses compétences lui interdisent de légiférer sur les services secrets, la Commission européenne va elle aussi "tirer des conclusions et formuler des propositions", a-t-il promis, estimant qu'il fallait notamment "des réflexions politiques sur le rôle des services de renseignements".

"Le contrôle politique des parlements est à mon avis indispensable", a conclu M. Frattini, estimant que les services secrets "doivent opérer dans le cadre d'un mandat précis et clair donné par leurs gouvernements".

Le Parlement européen se prononce à la mi-journée sur le rapport final de sa commission d'enquête sur les vols secrets de la CIA en Europe et la complicité éventuelle des Etats membres de l'UE, un vote dont l'issue reste ouverte avec plus de 270 amendements déposés.

Au nom de la présidence allemande de l'UE, Günter Gloser, secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, a relevé que le rapport soumis au vote des députés comportait des "conclusions qui vont très loin et des remarques critiques", et déploré le fait que certaines "assertions sont très rapidement transformées en faits".

"De notre point de vue, dans certains cas, des formulations plus modérées auraient été souhaitables", a-t-il précisé.

Le rapport relève qu'au moins 1.245 vols affrétés par la CIA ont traversé l'espace aérien européen et met en cause le manque de coopération à l'enquête des gouvernements autrichien, italien, polonais, portugais et britannique.

Il affirme apporter des éléments de preuve détaillés impliquant plusieurs Etats membres (Allemagne, Suède, Espagne, Chypre, Danemark, Grèce, Irlande et Roumanie) ainsi que la Turquie, la Bosnie et l'ancienne République yougoslave de Macédoine.

Il demande notamment au Conseil regroupant les 27 qu'il procède "à une enquête indépendante" et "que des sanctions soient le cas échéant imposées aux Etats membres en cas de violation grave et persistante" des droits fondamentaux.

"Nous avons ouvert une porte, nous ne permettrons à personne de la refermer", a souligné le rapporteur du Parlement, le socialiste italien Giovanni Claudio Fava.

Les conservateurs, dont le coordinateur au sein de la commission d'enquête, l'Italien Jas Gawronski, a été l'un des virulents opposants du rapport, ont affiché au cours du débat leurs divisions sur la question.

Franco Frattini a, lui, appelé les députés à surmonter leurs divergences: "Si ce parlement se divise sur une question aussi délicate, son message sera plus faible", a-t-il dit.